Position commune des fédérations concernant le statut de travailleur·euses des arts

Les lignes rouges du secteur culturel

14 avril 2025

Le statut social des travailleur·euses des arts mis en place par le précédent Gouvernement fédéral pour renforcer leur protection sociale doit rester pleinement ancré dans le cadre du régime général de la sécurité sociale belge. L’allocation du travail des arts doit, elle, rester dans la branche chômage, mise en œuvre par l’ONEM.

Une protection sociale réformée récemment suite à un processus de concertation approfondi

Les concertations « Working in the arts » initiées et menées suite au COVID par les Ministres Dermagne (PS), Vandenbroucke (Vooruit) et Clarinval (MR) ont abouti à un consensus de la majorité gouvernementale précédente et des participants au WITA sur les fondamentaux du régime visant à assurer aux travailleur·euses des arts, une protection sociale pérenne et adaptée aux spécificités de leur travail :

  • Le système de protection sociale des travailleur·euses des arts doit s’inscrire dans le régime général de la sécurité sociale financé en partie par les travailleur·euses et décliner ses spécificités dans ses différentes branches;

  • L’allocation de travail des arts doit s’inscrire dans la branche chômage de la sécurité sociale dont l’ONEM assure la mise en œuvre;

  • L’allocation de travail se différencie d’une allocation de chômage. Elle est perçue par des travailleur·euses des arts, considéré.es comme travailleur·euses actif·ves qui ne sont donc pas soumis à l’application des règles relatives à l’emploi convenable et à l’activation de l’emploi.

Ces fondamentaux constituent les lignes rouges du secteur culturel.

Toute modification du régime entraînerait une potentielle régression des droits des travailleur·euses des arts et une insécurité juridique permanente, poussant de nombreux·ses travailleur·euses des arts à quitter le secteur.

Un secteur qui génère beaucoup d’emplois

Le secteur culturel représente environ 5 % du PIB belge. Selon le cadastre de l’emploi culturel en Fédération Wallonie-Bruxelles (mars 2025), il génère plus de 101.500 emplois rien qu’en Belgique francophone.

Mais précaires

Parmi eux, les travailleur·euses des arts – pourtant au cœur de la création et de la vitalité du secteur et sans lesquels tout l’écosystème culturel s’effondrerait – perçoivent en moyenne à peine 12.688 euros bruts par an.

Une organisation du travail spécifique

La réforme a reconnu les réalités spécifiques du travail artistique : l’intermittence comme une contingence inhérente au métier artistique, ainsi que le travail invisibilisé nécessaire à la création de projets qui intervient régulièrement entre les périodes d’engagement contractuel, l’imprévisibilité des revenus souvent faibles, la courte durée des contrats, la diversité des types de revenus et des modèles de rémunération, la diversité des emplois et des employeur·euses, un faible pouvoir de négociation face à l’entité contractante.

Une protection sociale sur mesure à renouveler régulièrement

L’allocation des arts n’est pas un revenu garanti à vie : son accès est complexe, encadré et toujours limité dans le temps. Pour les artistes créateur·ices qui peuvent vendre des œuvres (auteur·ices, plasticien·nes…), le contrat 1bis permet de cotiser à la sécurité sociale, d’être ainsi assimilé·es à des salarié·es et de s’assurer une protection sociale.

Stop à la désinformation !

… Les montants versés ont augmenté de façon exponentielle ? C’est faux.

L’accord de gouvernement précédent prévoyait un budget annuel de 75 millions d’euros en plus du budget initial de 60 millions d’euros. Un retard dans la mise en place de la Commission du travail des arts a entraîné une correction technique des tableaux budgétaires liés à la sous consommation pour les années 2023 et 2024. On reste donc dans le cadre budgétaire prévu pour cette réforme concertée et budgétée.

… Le nombre de bénéficiaires a augmenté de façon exponentielle ? Cette affirmation est inexacte.

Mathématiquement, le calcul est erroné, le taux de croissance des bénéficiaires ayant chuté de 59% (entre 2022-23 et 2023-24). De plus, rappelons que comme l’accès aux allocations a été adapté, il est prévu que plus d’artistes créateur·ices et plus de jeunes puissent en bénéficier pour démarrer leur carrière. Par contre, personne ne sait si les anciens et surtout les anciennes bénéficiaires pourront maintenir leurs droits après le premier renouvellement des allocations en octobre 2025 et après le premier renouvellement d’attestation en janvier 2029. Ce n’est qu’à ce moment-là que la réforme aura déployé tous ses effets et que nous pourrons réellement l’évaluer.

… Si les allocations de chômage étaient limitées dans le temps, ce régime serait discriminatoire par rapport aux autres travailleur·euses. C’est faux.

Dans son avis 71 490/3 du 10 juin 2022, le Conseil d’État, invité à se prononcer sur la constitutionnalité (notamment aux articles 10 et 11 de la Constitution, égalité et non- discrimination) du texte législatif contenant la réforme du statut des travailleur·euses des arts, n’a pas considéré que la réforme générait une inégalité de traitement entre les travailleur·euses et les travailleur·euses des arts car la différence de traitement entre ces deux catégories de travailleur·euses est raisonnablement justifiée.

Des craintes aussi pour les pensions

La réforme des pensions devra également tenir compte des spécificités de l’intermittence et assimiler, notamment, les périodes sous allocation du travail des arts à du travail effectif sous peine de voir les artistes sombrer dans la misère à l’issue de leur carrière.

Un choix de société

Sans protection sociale adaptée pour les travailleur·euses des arts, pas de culture et pas d’exercice effectif des droits culturels des publics.

Les fédérations signataires :

Aires Libres (Arts du Cirque, forains et de la rue) / ARRF (Cinéma / audiovisuel) / Artist United (pluridisciplinaire) / CTEJ (Théâtre jeunesse) / FACIR (Musique) / La RAC (Danse) / Les lundis d’Hortense (Musique Jazz) / Union des Artistes du Spectacle (Arts de la scène / Cinéma)