Lettre ouverte – L’indispensable reconstitution du lien militant entre les travailleur·euses des arts et de la création et les syndicats

Au Président de la FGTB fédérale, Thierry Bodson,
A la Secrétaire générale de l’Interrégionale bruxelloise de la FGTB, Estelle Ceulemans,
Au secrétaire responsable du secteur non-marchand du SETCa, Yves Dupuis,
Au président du bureau Culture-Média, Patrick Blommaert,
Au secrétaire régional de la CGSP, José Granado,
Au président de la CGSP, Michel Meyer,

Au président de la CSC, Marc Leemans,
A la Secrétaire Générale de la CSC, Marie-Hélène Ska,
Au président de la CSC-Transcom en charge de la culture, Koen De Mey,
Au Secrétaire général de la CNE-CSC, Felipe Van Keirsbilck,

Au président de la CGSLB, Mario Coppens,
Au Secrétaire régional wallon de la CGSLB, Christian Lochet,
Au secrétaire régional bruxellois de la CGSLB, Michaël Dufrane,


Mesdames, 
Messieurs,

Aujourd’hui, nous recensons chez de nombreux·ses affilié·es travaillant dans le secteur culturel, une volonté de dépolitisation syndicale massive. Avec le temps, la symbolique rattachée aux syndicats a perdu tout contenu politique et militant. Cela s’explique par leur assignation précitée à devenir des organismes de paiement et des intermédiaires avec les instances administratives dont principalement l’ONEM. A la suite des difficultés déjà énoncées plus haut, nous ressentons un manque cruel de soutien des syndicats, à notre égard, face aux manques de directives du politique et à la politique hostile de l’ONEM envers les travailleur·euses des arts et de la création. Une incompréhension généralisée règne autour du rôle et des missions que doivent avoir les syndicats dans un contexte de crise économique, sociale et humaine pour ces affilié·es.

Nous demandons une position affirmée, claire et cohérente des syndicats envers les droits des travailleur·euses des arts et de la création. Les travailleur·ses des arts et de la création ne connaissent généralement pas le point de vue que défend leur syndicat dans les négociations qui les concernent, que ce soit le statut social des travailleur·euses du secteur ou la simple protection face à des abus d’employeur·euses. Une opacité règne alors que les syndicats sont censés nous représenter, nous défendre et ont un accès “privilégié” avec les instances politiques. Le travail autour du statut des travailleur·euses des arts et de la création doit être au centre des préoccupations syndicales.

Nous demandons la participation et la présence active des syndicats dans les actions portées par le secteur culturel. Comment ne pas percevoir une désolidarisation des syndicats quand le message et le soutien pour les actions récentes organisées par le secteur, sont absents du discours syndical ? Alors que des mouvements de fédérations, de collectifs, d’artistes et de citoyen·nes opèrent depuis plusieurs mois dans la lutte pour la protection et la défense des droits des travailleur·euses des arts et de la création, les syndicats sont restés en retrait.

Nous demandons d’ouvrir la porte à des représentant·es issu·es du secteur culturel permettant une réelle plus-value dans la pertinence et la légitimité des propos et actions syndicales. Pour une représentation syndicale en adéquation avec les réalités des affilié·es, il faut la présence de travailleur·euses des arts et de la création et fédérations professionnelles culturelles dans les instances syndicales. A l’heure actuelle, dans les instances décisionnelles pour le secteur, la majorité des représentants syndicaux ne sont pas des travailleur·ses des arts et de la création. Iels n’ont donc qu’une idée approximative et non représentative de notre réalité. C’est le cas, par exemple, des représentant·es de la Commission Paritaire 304 où se décident les barèmes salariaux dans le secteur du spectacle. Cela aboutit à des décisions iniques fragilisant les plus démuni·es d’entre nous. Les mécanismes d’élections de représentant·es syndicaux·ales restent encore très obscurs: seules les structures organisées sont amenées à procéder à des élections. Tout autre travailleur·euse du secteur se voit priver d’élire son·sa représentant·e syndical·e. Le reste est également opaque : le nom des représentant·es eux·elles-mêmes est généralement inconnu des affilié·es, leur mission encore plus. Simplifier et visibiliser le fonctionnement interne des syndicats donnera la possibilité aux travailleur·euses de s’impliquer et s’affirmer plus facilement dans la lutte syndicale. Les syndicats doivent repenser leur lien avec les travailleur·euses des arts et de la création. La réalité du secteur appelle en effet de nouvelles formes d’engagements et une forme de créativité militante afin que les travailleur·euses des arts et de la création même hors cadre puissent participer au combat syndical.

Nous demandons la mise en place d’outils communicationnels pour fédérer nos revendications entre affilié·es et entre syndicats et affilié·es. L’histoire syndicale repose sur un fonctionnement interne simple : sur le lieu de travail, chaque travailleur·euse a à sa disposition un bureau syndical. Face à la réalité du secteur, aucun bureau syndical n’existe hors des structures munies d’emplois artistiques fixes (comme La Monnaie par exemple). Cette perte de représentation physique a contribué au détachement entre affilié·es et syndicat. A ce jour, il n’existe toujours pas de plateforme permettant le rassemblement et l’échange entre travailleur·euses et syndicats. Il est indispensable que les différents services internes, comme le SETca pour la FGTB ou la CNE pour la CSC, fournissent des lieux de réunions et de concertations physiques de manière régulière pour les affilié·es du secteur culturel. Accordez ces moyens de communication clairs et le manque de militantisme syndical dans le chef des travailleur·euses des arts et de la création ne pourra plus être sans cesse reproché.

Nous demandons aux syndicats et au politique d’assurer la protection sociale au sein des réalités du secteur culturel. Il est indispensable de travailler ensemble pour une protection optimale des travailleur·euses. A travers leur traitement infligé par l’ONEM – depuis longtemps mais significativement depuis la crise sanitaire – s’insinue une vision idéologique définitivement archaïque du travail, de l’art et de sa place au sein d’une société démocratique. Nous pensons qu’ensemble, nous avons un combat à mener pour un autre paradigme : plus juste, plus humain, plus tourné vers le vivant et le lien social.

Pour cela, il est indispensable de recréer le lien entre les syndicats et les affilé·es. Si les premiers ont vu leur détermination et leur rôle de garants de droits des travailleur·euses s’effilocher au fil des années, les second·es se sont progressivement éloigné·es, jusqu’à se dissocier complètement de la structure syndicale dont il font pourtant partie. Le syndicat est créé par les travailleur·euses et pour les travailleur·euses. Perdre de vue cette notion c’est laisser le champ libre à la dégradation des conditions de travail et à la baisse des minimas salariaux sous la pression d’employeur·euses et de donneur·euses d’ordres peu scrupuleux·euses. Le secteur culturel subit la même violence sociale que tous les autres secteurs avec un chantage à l’emploi terrible. Sans défense de la part de leur syndicat, les travailleur·euses du secteur des arts et de la création y sont de facto soumis et celui·celle qui s’y oppose est tout simplement balayé·e.

Par cette lettre, nous refusons de rejeter la faute sur les travailleur·euses au sein des organismes de paiement. Nous pensons qu’il faut impérativement rapprocher les enjeux entre travailleur·euses. Nous disons non au combat entre pauvres. Les bénéfices d’une solidarité iront tant aux travailleur·euses des arts et de la création qu’aux employé·es au sein des syndicats. Nous appelons à une solidarité intersectorielle et à la nécessité de mettre à mal les a priori concernant notre secteur. De la même manière, nous appelons à une ouverture effective des syndicats pour une réelle représentation du secteur culturel, dans le fond comme dans la forme afin que les combats qui nous attendent reçoivent la place qui leur est due en leur sein. Si nous devions constater que l’immobilisme et la rigidification syndicale empêchent ce travail d’aboutir, nous serions contraint·es de considérer que le combat syndical des artistes devra se poursuivre définitivement hors des murs de vos institutions. Nous ne doutons pas que vous, autant que nous, voulez à tout prix éviter un tel schisme synonyme d’une culture définitivement considérée dans notre société comme un luxe, un “produit” qui plus est “non essentiel”.

Le dialogue est devant nous.

– CONTACT PRESSE –
Fabian Hidalgo
fabian@facir.be
0495803268

Signataires

  •  ABDIL — Auteur.trice.s de la Bande Dessinée et de l’Illustration Réuni.e.s
  • AIRES LIBRES — Fédération des Arts forains, du Cirque et de la Rue
  • AMBITUS — Fédération des ensembles belges indépendants des musiques classique
  • ARRF — Association des Réalisateurs et Réalisatrices Francophones
  • ARTISTS UNITED
  • CCTA — Chambre des Compagnies Théâtrales pour Adultes
  • CTEJ — Chambre des Théâtres pour l’Enfance et la Jeunesse
  • FACIR — Fédération des Auteur·rices, Compositeur·rices et Interprètes Réuni·es
  • FAP — Fédération des Arts Plastiques
  • FBMU — Fédération des Bookers et Managers Uni·e·s
  • HORS CHAMP — association des métiers du cinéma et de l’audiovisuel
  • M-COLLECTIF —Marionnettes, théâtre d’objet et arts associés en FWB
  • METAL — Mouvement des Étudiant·e·s et Travailleurs·euse·s des Arts en Lutte
  • Prodiff Collectif — Collectif Producteurs Diffuseurs
  • UAS — Union des Artistes du Spectacle
  • StillStanding For Culture
  • Muzaïka ASBL
  • Francauteurs Sabam
  • Rina Horowitz, L’Allumette
  • Studio Evo Records ASBL SER
  • Compagnie Macke-Bornauw
  • Chispa asbl
  • Abozamé asbl
  • Au B’Izou café-Théâtre
  • Lowup Records
  • Travail & Loisirs
  • Hulule Asbl
  • CONT-acte ASBL – Fédération des opérateurs culturels des arts du conte et de l’oralité
  • Wooha ASBL
  • La Maison Ephémère, compagnie théâtrale
  • Les Baladins du Miroir
  • Krewe du Belge ASBL
  • Stephan / FGTB
  • Dominique / FGTB
  • Yannick / FGTB
  • Marc / CGSP
  • Lionel / CSC
  •  

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