FACIR répond à la RTBF - carte blanche
Une émission 100% belge sur La Première… programmée à 5h du matin : FACIR répond.
FAUSSE DIVERSITÉ ET RIGUEUR BUDGÉTAIRE
Récemment, la RTBF a annoncé vouloir défendre des artistes de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) en ces temps de Corona. Consciente de la situation pénible que traversent les musiciens sans travail ni revenus pour les mois à venir, Alexandra Vassen, directrice musicale de la Première, a décidé de mettre en place une émission radio d’une heure diffusant du répertoire 100 % belge. C’est sur la Première, de 5h à 6h du matin.
Cela pourrait paraître pour certain·es comme une action louable et utile aux côtés de nombreuses autres actions civiles prônant le ‘réseau local’ et la solidarité. Mais nous les musicien·nes et FACIR, Fédération des Auteur·rices, Compositeur·rices et Interprètes Réuni·es, reçoivent cette annonce comme un terrible pied de nez, voir un doigt, au monde de la culture belge.
En ces temps de crise, le parallèle avec le monde de la santé est évident : on assiste au démantèlement de la culture et des soins de santé en Belgique et en Europe au nom de la “rigueur budgétaire” et de l’austérité. Mais c’est une particularité de la Belgique francophone de soutenir aussi peu ses artistes locaux, à commencer par les médias, et notamment ceux du service public.
Regardons nos plus proches voisin·nes: en Flandre, le pourcentage d’œuvres flamandes « obligatoires » en radio est de 25%, en radio privées comme publiques. En France, cela monte de 40 jusqu’à 60 %, mais seulement de 5% à 12 % chez nous en FWB. Cela veut dire que les médias belges diffusent extrêmement peu les artistes d’ici, et pour preuve : plus de 95% des biens culturels que nous consommons sont importés.
Pour nous, auteur·rices, compositeur·rices et interprètes, même en dehors des périodes de crise, une telle indifférence et une telle absence de soutient rends extrêmement difficile la diffusion de tout projet musical. Une RTBF qui défend la découverte et les créations d’ici, voilà une image qui lui va bien, comme des bretelles à un homard.
Depuis des années, FACIR observe le glissement en heures creuses des émissions diffusant nos artistes (récemment ‘Jazz’ sur la Première) et la disparition des émissions dédiées aux créateur·rices belges.
Rappelez-vous : 50° Nord, Quai des Belges, l’agenda culturel Javas… Pourquoi est-on si mal lotis chez nous ? C’est d’autant plus surprenant quand on sait que les artistes devront compter sans les tournées à l’étranger pendant de nombreux mois, un revenu important pour beaucoup d’entre eux (et que les artistes internationaux mettront bien du temps à revenir sur nos podiums). Et voilà que La Première se réveille, s’enflamme d’un ‘consommer local’ de bon ton en plein Covid-19, et nous propose une émission 100 % « artistes de FWB ».
On ne peut pas dire que la RTBF prenne un gros risque, ni ne nous soit d’un grand soutient en diffusant notre catalogue à une heure d’écoute aussi basse. Diffuser cette musique entre 5 et 6 heures du matin réduit l’audience à peau de chagrin (et par conséquent les droits d’auteurs). Se targuer d’offrir aux artistes belges une visibilité dans ces conditions tient bien plus du cynisme et de l’effet d’annonce que de la réelle volonté de faire la différence. A ce rythme là, il nous faudra encore des dizaines de crises sanitaires, nucléaires ou environnementales pour arriver à un programme radio et télé de service public qui défende réellement ses artistes.
Si la RTBF veut défendre et promouvoir ses artistes, elle doit le faire de manière conséquente, avec du volume, en heures de grande écoute afin de toucher un public large, en veillant à diversifier les artistes diffusé·es et en encourageant de nouvelles productions. Elle remplira peut-être ainsi un peu plus sa mission de service public…
FACIR.